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Corps humain, droit au respect du
1 PRÉSENTATION

corps humain, droit au respect du, droit qui compte aujourd'hui au titre des droits de la personnalité.

Si la protection du corps humain est affirmée comme principe par la loi, cette dernière n'en pose pas moins quelques tempéraments.

2 LES PRINCIPES

La loi relative au respect du corps humain (loi n°94-653 du 29 juillet 1994) est intervenue pour codifier cette matière (aux articles 16 et suivants du Code civil).

L'article 16-1, alinéa 1 dispose que chacun a droit au respect de son corps. Il convient de relever que la formule est maladroite, parce que l'on ne peut respecter le corps indépendamment de la personne, le respect vise donc en réalité la personne.

Le respect du corps humain repose sur trois grands principes : l'inviolabilité, l’intégrité et la non-patrimonialité.

3 L'INVIOLABILITÉ DU CORPS HUMAIN

Si la loi dispose que le corps humain est inviolable, il s'agit en réalité de l'inviolabilité de la personne. Le texte pose bien le principe de l'interdiction des atteintes portées au corps de la personne en ce qu'elles atteindraient alors la personne même. Il est évident qu'il n’est pas question par là d'interdire les opérations médicales, qui pourtant portent atteinte au corps humain, mais d'interdire tous les actes qui portent atteinte à la personne à travers son corps, parce que ceux-ci sont réalisés indépendamment de la volonté de la personne. Cela implique notamment l'interdiction de la contrainte physique, de la contrainte par corps pour obliger une personne à faire quelque chose.

La sanction de l'atteinte au corps humain est envisagée à l'article 16-2 selon lequel le juge peut prescrire toutes mesures propres à faire cesser ou empêcher une atteinte illicite au corps humain. A priori la protection est efficace, cependant là encore la formulation est maladroite, car en parlant d'atteinte illicite le législateur laisse entendre qu'il pourrait y avoir des atteintes licites au corps humain.

Il est vrai que des atteintes ponctuelles ont toujours été admises en fonction de considérations liées au respect de l'ordre public. Ainsi, en matière pénale, l'emprisonnement est justifié. Le port obligatoire de la ceinture de sécurité, l'Alcotest sont aussi prévus pour des raisons de sécurité juridique. La fouille à corps ne peut être pratiquée en dehors du cas de crime flagrant, dans le cas contraire il faut un mandat du juge d'instruction. De même les vaccinations obligatoires sont autorisées pour des raisons de sécurité juridique.

Ce principe d'inviolabilité du corps humain est réaffirmé en d’autres termes par le respect de l'intégrité du corps humain.

4 L'INTÉGRITÉ DU CORPS HUMAIN

La loi affirme qu'il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain. Le législateur a ici en vue les atteintes portées à la chair : interventions chirurgicales indues, mutilations, etc. Cette interdiction est accompagnée d'une autre interdiction à l'article 16-4, qui interdit l'atteinte portée à l’intégrité de l'espèce humaine, ainsi que toute pratique eugénique.

Enfin, la protection due au corps humain dépend aussi de la non-patrimonialité.

5 LA NON-PATRIMONIALITÉ DU CORPS HUMAIN

Avant la loi du 29 juillet 1994, il n'y avait pas de texte consacrant ce principe, les solutions étant jurisprudentielles. La Cour de cassation avait ainsi posé, dans une décision très connue du 31 mai 1991, le principe de l'indisponibilité du corps humain. En l'espèce, il s'agissait de se prononcer sur la validité de la convention par laquelle une femme accepte, moyennant rémunération, de porter pour une autre un enfant conçu à l'aide des techniques de la procréation médicalement assistée et de l'abandonner à la naissance en vue de son adoption.

La Cour de cassation avait décidé que la convention par laquelle la femme s'engage, même à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l'abandonner à sa naissance contrevient au principe d'ordre public de l'indisponibilité du corps humain et au principe d'indisponibilité du droit des personnes. Cette jurisprudence était critiquable, tant par le principe qu'elle affirmait, que par le fondement de ce principe. En effet, l'arrêt avait consacré un principe indépendamment de tout texte, en le créant de toute pièce. L'indisponibilité devrait signifier que le corps humain ne peut faire l'objet de convention, à titre gratuit ou à titre onéreux. Or, un certain nombre de pratiques considérées comme licites attestent qu'il n'y a pas en réalité de principe d'indisponibilité du corps humain. Ainsi, les contrats de nourrice étaient valables et les femmes fournissaient donc le lait pour allaiter les bébés contre rémunération. Voilà déjà un produit du corps humain faisant l'objet d'une convention. De même, le don de sang aux fins de transfusion est licite.

Ensuite, il faut relever que la Cour de cassation visait l'article 1128 du Code civil selon lequel il n'y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l'objet de conventions. Ce qui signifie que les choses hors commerce ne peuvent faire l'objet d'un contrat. L'application de cette disposition au corps humain implique de considérer ce dernier comme une chose hors du commerce. Or, le corps humain n'est précisément pas une chose.

La loi du 29 juillet 1994 a introduit dans le Code civil (article 16-5) un principe de non-patrimonialité : le corps humain, ses éléments et produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial. Ainsi, les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits, sont nulles. Aucune rémunération ne peut être attribuée à celui qui se prête à une expérimentation sur sa personne. La loi pose donc à plusieurs reprises le principe de non-patrimonialité du corps humain.

Mais, en signifiant que l'interdiction ne porte que sur les conventions à titre onéreux, la loi paraît un peu en retrait par rapport à la jurisprudence antérieure et laisse entendre que les conventions à titre gratuit portant sur le corps humain seraient licites. À bien relire les textes, il apparaît en effet que c'est la possibilité de rémunération qui est exclue, sauf en ce qui concerne la procréation assistée, auquel cas l'article 16-7 du Code civil prohibe de façon générale toute convention.

6 LES AMÉNAGEMENTS DE LA PROTECTION

Par ailleurs, dans un cadre médical, scientifique ou judiciaire bien défini, la loi prévoit un certain nombre de tempéraments. L'article 16-3 prévoit qu'il peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain en cas de nécessité thérapeutique pour la personne. La loi précise alors que le consentement de l'intéressé doit être recueilli. En cela, la loi s’aligne sur les solutions jurisprudentielles antérieures. La jurisprudence a toujours admis qu'il se forme entre le patient et le médecin un contrat, supposant donc le consentement des parties. Le patient devait donc déjà consentir à toute opération pratiquée sur sa personne. Par ailleurs, la jurisprudence précisait que si le patient n'était pas à même de donner son consentement, celui de son représentant devait être sollicité, et qu’il ne pouvait être passé outre le défaut de consentement qu'en cas d'urgence. Il faut donc considérer que le législateur de 1994 n'a entendu que consacrer les solutions jurisprudentielles antérieures en leur donnant une allure solennelle.

Les empreintes génétiques sont une autre exception au principe de protection, mais l'article 16-10, al. 1 du Code civil précise que l'étude génétique des caractéristiques d'une personne ne peut être entreprise qu'à des fins médicales ou de recherche scientifique. L'alinéa 2 ajoute que le consentement de la personne doit être recueilli préalablement à la réalisation de l'étude. Par ailleurs, l'identification d'une personne par empreintes génétiques ne peut être effectuée que dans le cadre de mesures d'enquête ou d'instruction diligentées lors d'une procédure judiciaire, ou à des fins médicales ou scientifiques.

Pour l'établissement de la filiation, l'article 16-11, al. 2 du Code civil prévoit que l'empreinte génétique ne peut être recherchée qu'en exécution d'une mesure d'instruction et que le consentement de l'intéressé doit être préalablement et expressément recueilli. Enfin, un décret d'application du 6 février 1997 précise les conditions d'agrément des personnes habilitées à procéder à des identifications par empreintes génétiques dans le cadre d'une procédure judiciaire. Le domaine d'application de l'article 16-11 s'est trouvé discuté en jurisprudence avec la question des expertises génétiques pratiquées sur un cadavre. Deux décisions sont intéressantes :

— la cour d’appel d'Aix-en-Provence, le 8 février 1996, a considéré que l'art. 16-11, al. 2 relatif au consentement ne pouvait pas s'appliquer à une personne décédée, parce que l'obligation de recueillir le consentement du défunt constitue une condition impossible. Elle a admis qu'une mesure d'instruction soit ainsi ordonnée sur le fondement de l'article 16-11, al. 1, alors même que l'intéressé n'avait pas de son vivant donné son accord ;

— la cour d’appel de Paris dans une décision du 6 novembre 1997, affaire Montand, a adopté la même solution, la mesure d'instruction ayant été ordonnée après que le juge a relevé l'impossibilité de recueillir le consentement propre du défunt.

Le prélèvement d'organes constitue encore un autre tempérament. Plusieurs principes guident le prélèvement d'organe sur une personne vivante. Le premier est celui du consentement de la personne. Le second principe est celui de gratuité. En aucun cas, le prélèvement d'organe ne peut donner lieu à rémunération, tout au plus pourra-t-on concevoir un remboursement des frais. Le troisième principe est celui de l'anonymat. Le donneur comme le receveur ne peuvent connaître leur identité mutuelle. Ces principes sont également valables pour les prélèvements de produits, de tissus et de gamètes.

Enfin, les personnes peuvent aussi se prêter à des recherches biomédicales, mais là encore la loi organise leur protection en posant le principe de l'anonymat et du consentement obligatoire.

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