Corps humain, droit au respect du
corps humain, droit au
respect du, droit qui compte aujourd'hui au titre des droits de la
personnalité.
Si la protection du corps humain est affirmée
comme principe par la loi, cette dernière n'en pose pas moins quelques
tempéraments.
La loi relative au respect du corps humain (loi
n°94-653 du 29 juillet 1994) est intervenue pour codifier cette matière (aux
articles 16 et suivants du Code civil).
L'article 16-1, alinéa 1 dispose que chacun a
droit au respect de son corps. Il convient de relever que la formule est
maladroite, parce que l'on ne peut respecter le corps indépendamment de la
personne, le respect vise donc en réalité la personne.
Le respect du corps humain repose sur trois
grands principes : l'inviolabilité, l’intégrité et la non-patrimonialité.
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L'INVIOLABILITÉ DU CORPS
HUMAIN |
Si la loi dispose que le corps humain est
inviolable, il s'agit en réalité de l'inviolabilité de la personne. Le texte
pose bien le principe de l'interdiction des atteintes portées au corps de la
personne en ce qu'elles atteindraient alors la personne même. Il est évident
qu'il n’est pas question par là d'interdire les opérations médicales, qui
pourtant portent atteinte au corps humain, mais d'interdire tous les actes qui
portent atteinte à la personne à travers son corps, parce que ceux-ci sont
réalisés indépendamment de la volonté de la personne. Cela implique notamment
l'interdiction de la contrainte physique, de la contrainte par corps pour
obliger une personne à faire quelque chose.
La sanction de l'atteinte au corps humain est
envisagée à l'article 16-2 selon lequel le juge peut prescrire toutes mesures
propres à faire cesser ou empêcher une atteinte illicite au corps humain. A
priori la protection est efficace, cependant là encore la formulation est
maladroite, car en parlant d'atteinte illicite le législateur laisse entendre
qu'il pourrait y avoir des atteintes licites au corps humain.
Il est vrai que des atteintes ponctuelles ont
toujours été admises en fonction de considérations liées au respect de l'ordre
public. Ainsi, en matière pénale, l'emprisonnement est justifié. Le port
obligatoire de la ceinture de sécurité, l'Alcotest sont aussi prévus pour des
raisons de sécurité juridique. La fouille à corps ne peut être pratiquée en
dehors du cas de crime flagrant, dans le cas contraire il faut un mandat du juge
d'instruction. De même les vaccinations obligatoires sont autorisées pour des
raisons de sécurité juridique.
Ce principe d'inviolabilité du corps humain
est réaffirmé en d’autres termes par le respect de l'intégrité du corps
humain.
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L'INTÉGRITÉ DU CORPS
HUMAIN |
La loi affirme qu'il ne peut être porté
atteinte à l’intégrité du corps humain. Le législateur a ici en vue les
atteintes portées à la chair : interventions chirurgicales indues, mutilations,
etc. Cette interdiction est accompagnée d'une autre interdiction à
l'article 16-4, qui interdit l'atteinte portée à l’intégrité de l'espèce
humaine, ainsi que toute pratique eugénique.
Enfin, la protection due au corps humain
dépend aussi de la non-patrimonialité.
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LA NON-PATRIMONIALITÉ DU CORPS
HUMAIN |
Avant la loi du 29 juillet 1994, il n'y avait
pas de texte consacrant ce principe, les solutions étant jurisprudentielles. La
Cour de cassation avait ainsi posé, dans une décision très connue du 31 mai
1991, le principe de l'indisponibilité du corps humain. En l'espèce, il
s'agissait de se prononcer sur la validité de la convention par laquelle une
femme accepte, moyennant rémunération, de porter pour une autre un enfant conçu
à l'aide des techniques de la procréation médicalement assistée et de
l'abandonner à la naissance en vue de son adoption.
La Cour de cassation avait décidé que la
convention par laquelle la femme s'engage, même à titre gratuit, à concevoir et
à porter un enfant pour l'abandonner à sa naissance contrevient au principe
d'ordre public de l'indisponibilité du corps humain et au principe
d'indisponibilité du droit des personnes. Cette jurisprudence était critiquable,
tant par le principe qu'elle affirmait, que par le fondement de ce principe. En
effet, l'arrêt avait consacré un principe indépendamment de tout texte, en le
créant de toute pièce. L'indisponibilité devrait signifier que le corps humain
ne peut faire l'objet de convention, à titre gratuit ou à titre onéreux. Or, un
certain nombre de pratiques considérées comme licites attestent qu'il n'y a pas
en réalité de principe d'indisponibilité du corps humain. Ainsi, les contrats de
nourrice étaient valables et les femmes fournissaient donc le lait pour allaiter
les bébés contre rémunération. Voilà déjà un produit du corps humain faisant
l'objet d'une convention. De même, le don de sang aux fins de transfusion est
licite.
Ensuite, il faut relever que la Cour de
cassation visait l'article 1128 du Code civil selon lequel il n'y a que les
choses qui sont dans le commerce qui puissent être l'objet de conventions. Ce
qui signifie que les choses hors commerce ne peuvent faire l'objet d'un contrat.
L'application de cette disposition au corps humain implique de considérer ce
dernier comme une chose hors du commerce. Or, le corps humain n'est précisément
pas une chose.
La loi du 29 juillet 1994 a introduit dans le
Code civil (article 16-5) un principe de non-patrimonialité : le corps humain,
ses éléments et produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial. Ainsi,
les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps
humain, à ses éléments ou à ses produits, sont nulles. Aucune rémunération ne
peut être attribuée à celui qui se prête à une expérimentation sur sa personne.
La loi pose donc à plusieurs reprises le principe de non-patrimonialité du corps
humain.
Mais, en signifiant que l'interdiction ne
porte que sur les conventions à titre onéreux, la loi paraît un peu en retrait
par rapport à la jurisprudence antérieure et laisse entendre que les conventions
à titre gratuit portant sur le corps humain seraient licites. À bien relire les
textes, il apparaît en effet que c'est la possibilité de rémunération qui est
exclue, sauf en ce qui concerne la procréation assistée, auquel cas
l'article 16-7 du Code civil prohibe de façon générale toute convention.
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LES AMÉNAGEMENTS DE LA
PROTECTION |
Par ailleurs, dans un cadre médical,
scientifique ou judiciaire bien défini, la loi prévoit un certain nombre de
tempéraments. L'article 16-3 prévoit qu'il peut être porté atteinte à
l’intégrité du corps humain en cas de nécessité thérapeutique pour la personne.
La loi précise alors que le consentement de l'intéressé doit être recueilli. En
cela, la loi s’aligne sur les solutions jurisprudentielles antérieures. La
jurisprudence a toujours admis qu'il se forme entre le patient et le médecin un
contrat, supposant donc le consentement des parties. Le patient devait donc déjà
consentir à toute opération pratiquée sur sa personne. Par ailleurs, la
jurisprudence précisait que si le patient n'était pas à même de donner son
consentement, celui de son représentant devait être sollicité, et qu’il ne
pouvait être passé outre le défaut de consentement qu'en cas d'urgence. Il faut
donc considérer que le législateur de 1994 n'a entendu que consacrer les
solutions jurisprudentielles antérieures en leur donnant une allure
solennelle.
Les empreintes génétiques sont une autre
exception au principe de protection, mais l'article 16-10, al. 1 du Code civil
précise que l'étude génétique des caractéristiques d'une personne ne peut être
entreprise qu'à des fins médicales ou de recherche scientifique. L'alinéa 2
ajoute que le consentement de la personne doit être recueilli préalablement à la
réalisation de l'étude. Par ailleurs, l'identification d'une personne par
empreintes génétiques ne peut être effectuée que dans le cadre de mesures
d'enquête ou d'instruction diligentées lors d'une procédure judiciaire, ou à des
fins médicales ou scientifiques.
Pour l'établissement de la filiation,
l'article 16-11, al. 2 du Code civil prévoit que l'empreinte génétique ne peut
être recherchée qu'en exécution d'une mesure d'instruction et que le
consentement de l'intéressé doit être préalablement et expressément recueilli.
Enfin, un décret d'application du 6 février 1997 précise les conditions
d'agrément des personnes habilitées à procéder à des identifications par
empreintes génétiques dans le cadre d'une procédure judiciaire. Le domaine
d'application de l'article 16-11 s'est trouvé discuté en jurisprudence avec la
question des expertises génétiques pratiquées sur un cadavre. Deux décisions
sont intéressantes :
— la cour d’appel d'Aix-en-Provence, le
8 février 1996, a considéré que l'art. 16-11, al. 2 relatif au consentement ne
pouvait pas s'appliquer à une personne décédée, parce que l'obligation de
recueillir le consentement du défunt constitue une condition impossible. Elle a
admis qu'une mesure d'instruction soit ainsi ordonnée sur le fondement de
l'article 16-11, al. 1, alors même que l'intéressé n'avait pas de son vivant
donné son accord ;
— la cour d’appel de Paris dans une décision
du 6 novembre 1997, affaire Montand, a adopté la même solution, la mesure
d'instruction ayant été ordonnée après que le juge a relevé l'impossibilité de
recueillir le consentement propre du défunt.
Le prélèvement d'organes constitue encore un
autre tempérament. Plusieurs principes guident le prélèvement d'organe sur une
personne vivante. Le premier est celui du consentement de la personne. Le second
principe est celui de gratuité. En aucun cas, le prélèvement d'organe ne peut
donner lieu à rémunération, tout au plus pourra-t-on concevoir un remboursement
des frais. Le troisième principe est celui de l'anonymat. Le donneur comme le
receveur ne peuvent connaître leur identité mutuelle. Ces principes sont
également valables pour les prélèvements de produits, de tissus et de
gamètes.
Enfin, les personnes peuvent aussi se prêter à
des recherches biomédicales, mais là encore la loi organise leur protection en
posant le principe de l'anonymat et du consentement obligatoire.
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